Vous avez déjà demandé une information simple à une IA, pour qu'elle vous réponde avec un aplomb déconcertant... une réponse complètement fausse ? Ce phénomène, connu sous le nom d'hallucination, n'est pas un bug mystérieux. Une étude passionnante de chercheurs d'OpenAI et de Georgia Tech, publiée en septembre 2025, nous révèle la cause profonde : nous entraînons nos IA à être de très bons tricheurs.
L'article compare une IA à un étudiant passant un examen difficile. Face à une question dont il n'est pas sûr, quelle est la meilleure stratégie pour maximiser sa note ? Tenter une réponse plausible plutôt que de rendre une copie blanche. Et bien, les IA font exactement la même chose, car nous les avons conçues pour ça !
Voyons cela en deux étapes simples.
La racine du problème : la pré-formation (la touche tech)
La première phase de création d'une IA comme ChatGPT est la pré-formation. Le modèle absorbe une quantité astronomique de textes (livres, articles, sites web) pour apprendre les "statistiques" du langage humain.
L'approche brillante des chercheurs est de montrer que générer une phrase correcte est un problème statistiquement plus difficile que de simplement juger si une phrase est "vraie" ou "fausse". Or, durant sa formation, le modèle est poussé à "combler les vides" quand l'information est rare ou ambiguë.
Analogie : imaginez que le modèle n'ait lu qu'une seule fois la date d'anniversaire d'une personne peu connue dans tous ses milliards de documents. Statistiquement, il aura une très faible confiance en cette information. Lorsqu'on lui posera la question, plutôt que d'avouer son ignorance, la pression statistique le poussera à générer une date plausible. C'est l'origine de l'hallucination : une simple erreur de classification qui se transforme en une affirmation incorrecte.
Le cercle vicieux : les IA sont entraînées pour deviner
La deuxième phase, c'est le perfectionnement et surtout, l'évaluation. Et c'est là que le bât blesse.
Pour savoir si une IA est performante, on la soumet à des batteries de tests, les fameux benchmarks (comme MMLU, GPQA, etc.). Le problème ? La quasi-totalité de ces tests fonctionnent sur un mode binaire : 1 point pour une bonne réponse, 0 pour une mauvaise ou une absence de réponse.
Dans ce système, une IA qui répond "Je ne sais pas" obtient un score de 0. Une IA qui "tente sa chance" et devine au hasard a une probabilité non nulle d'obtenir 1 point. Mathématiquement, la stratégie optimale pour l'IA est donc de toujours deviner.
Ce système pénalise l'honnêteté et récompense le bluff. Les modèles qui obtiennent les meilleurs scores, et donc que nous considérons comme les "meilleurs", sont simplement ceux qui maîtrisent le mieux l'art de la supposition plausible.
Côté métier : que faire en tant qu'entreprise ?
Cette recherche a des implications très concrètes pour les professionnels qui utilisent ou déploient l'IA :
La confiance n'exclut pas le contrôle : l'hallucination n'est pas une anomalie mais une caractéristique fondamentale des modèles actuels. Pour toute tâche critique (juridique, financière, médicale, technique), une vérification humaine ou un système de validation externe est non négociable.
L'art du prompt est crucial : vous pouvez guider le modèle. En intégrant dans vos instructions des phrases comme "Si tu n'es pas certain de la réponse, admets ton incertitude", vous pouvez déjà réduire les risques. Pour les cas d'usage à fort enjeu, il faut aller plus loin.
Choisissez le bon outil pour le bon usage : une IA "généraliste" est excellente pour la créativité ou la synthèse, où une erreur factuelle mineure est sans conséquence. Pour des tâches qui exigent une fiabilité absolue, il faut se tourner vers des solutions plus robustes, comme le RAG (Retrieval-Augmented Generation) ou le CAG (Cache-Augmented Generation). Cette technologie, que nous intégrons chez Youmean, "ancre" les réponses de l'IA dans une base de connaissances fiable et contrôlée (vos documents d'entreprise, une base de données validée, etc.), limitant ainsi drastiquement sa capacité à inventer.
En somme, ne demandez pas à votre IA de faire ce pour quoi elle n'a pas été entraînée. Comprendre ses limites est la première étape pour en exploiter tout le potentiel, de manière sûre et efficace.
Référence : Kalai, A. T., Nachum, O., Vempala, S. S., & Zhang, E. (2025). Why Language Models Hallucinate . arXiv preprint arXiv:2509.04664v1.
Lien : https://arxiv.org/abs/2509.04664

